bullet Table des Matières : Newsletter du 23 septembre 1996

 

Edito (Newsletter du 23 septembre 1996)

A vos marques (principes en droit des marques)

Le principe de spécialité et la possibilité de faire opposition au dépôt d’une marque.

Affaire de Foulards ! (contrefaçon droit d'auteurs)

Mémoramdom (extraits textes de Lois) : Des dessins et des modèles (art. L 111-1 et suivant du CPI), Des droits d’auteurs (art. L 111-1 et s. du CPI)

Affaire de chiffons...! (contrefaçon dessins et modèles)

Le principe de la forclusion par tolérance (droit des marques)

Brèves de Palais (Propriété Intellectuelle)

Brevpalpi 

 

Edito (Newsletter du 23 septembre 1996)

Avant les vacances, qui sont certes déjà de l’histoire ancienne, j’avais attiré votre attention sur un certain nombre d’évolutions que connaît le droit des sociétés.

A l’heure de rédaction des présentes, il semblerait que la Loi de 1966 soit enfin modernisée pour mieux correspondre aux besoins d’aujourd’hui. Votre serviteur ne manquera pas de vous rapporter les principes essentiels régissant la réforme dès qu’ils seront précisés.

Pour l’heure, je souhaite vous entretenir d’une question très importante car étroitement liée au patrimoine de votre entreprise : il s’agit des droits incorporels souvent source de profits. Ils méritent un soin tout à fait particulier car des erreurs peuvent se révéler à posteriori fort coûteuses, voire dans le pire des cas fatales.

C’est la raison pour laquelle leur maintenance et leur protection est fondamentale.

Bien entendu, il est impossible en ces quelques lignes de vous dresser un tableau du régime juridique applicable en matière de propriété industrielle (marques, dessins et modèles, brevets) et de propriété intellectuelle (droits d’auteurs et droits voisins) mais ces quelques illustrations vous permettront d’en savoir plus sur des problèmes souvent relativement complexes.

BONNE LECTURE !

 

A vos marques

La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale (ex. dénominations, signes sonores, signes figuratifs...).

Elle doit être distinctive, soit dépourvue de caractère distinctif, signe ou dénomination servant exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou service (ex. impossible de déposer " grille-pain ") ou désignant la caractéristique d’un produit.

Elle ne peut être déceptive c-à-d de nature à tromper le public notamment sur la nature ou la qualité, ou la provenance du produit ou service.

Elle ne peut porter atteinte aux droits antérieurs (marques antérieures, nom commercial ou enseigne connus sur l’ensemble du territoire notamment s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, appellation d’origine, droits d’auteurs).

La propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement (à renouveler tous les dix ans).

(Ex. Art. 711-1 et s. du CPI)

 

Le principe de spécialité et la possibilité de faire opposition au dépôt d’une marque.

Si vous êtes titulaire d’une marque régulièrement déposée, vous avez un droit de propriété absolu sur elle dans les classes objet du dépôt. En revanche, sauf dans certains cas particuliers, la protection ne vaut que pour lesdites classes dans lesquelles vous êtes supposés exploiter ladite marque : c’est ce que l’on appelle le principe de spécialité.

C’est en vertu de ce principe que la Cour d’Appel de Paris a confirmé la décision de rejet (de l’opposition) du directeur de l’INPI. En effet, et en vertu de la nouvelle Loi sur le droit des marques, la société Fresche & Fils associés avait sollicité l’annulation du dépôt de la marque Loft design by...? au motif qu’elle avait déposé antérieurement la marque Loft?.

La Cour refuse ladite mesure en relevant que les produits désignés dans les demandes d’enregistrement n'étaient pas similaires à ceux de la marque antérieure invoquée par l’opposante ce qui ainsi évite tout risque de confusion.

La 4ème chambre de la Cour d’Appel de Paris a procédé à une exacte application du principe de spécialité (7/06/96).

J’en profite pour préciser qu’une marque doit être effectivement exploitée car dans la négative un intéressé pourra (souvent à l’occasion d’une action en contrefaçon) former une demande en déchéance conduisant à son annulation dès lors que la non exploitation date d’au moins 5 ans.

 

Affaire de Foulards !

La Redoute avait pris l’initiative (sans autorisation) d’offrir à sa clientèle des foulards de marques présentés en photographie dans un dépliant publicitaire.

Ces marques (Guy Laroche, Lanvin, Balmain, Saint-Laurent) assignent en contrefaçon de marques et de modèles.

La contrefaçon de marque parait évidente puisqu’il y a reproduction de celle-ci, de même que reproduction des modèles originaux ; l’intérêt réside donc dans les moyens de défense dont je n’en reproduirai qu’un seul (étant précisé qu’aucun d’eux n’a été retenu ! ).

En effet, La Redoute invoquait l’irrecevabilité des demandeurs car les personnes morales ne rapportaient pas la preuve qu’elles sont bien titulaires des droits d’auteurs.

La 3ème chambre du TGI de Paris (10 avril 1996) écarte l’argument - bien que reconnaissant qu’il appartienne au demandeur de rapporter la preuve de ses prétentions - en invoquant que "la titularité des droits sur les œuvres invoquées se trouve suffisamment établie par les actes de possession caractérisés au travers de leurs activités commerciales et par l’absence de toute revendication qui émaneraient d’un tiers sur les œuvres litigieuses" ;

Que par ailleurs, il résulte de l’article L 113-5 du CPI que la personne morale sous le nom de laquelle a été divulgué l’œuvre collective (ce dont il s’agit bien en l’espèce, sauf preuve contraire, puisque les foulards émanent des équipes de créateurs de chaque société demanderesse) est investie des droits de l’auteur.

Si j’ai choisi de vous reproduire cette décision, c'est précisément pour le "sauf preuve contraire " et attirer votre attention sur une disposition extrêmement important du CPI même si la doctrine (à juste titre) estime qu’elle n’est plus adaptée à l’économie d’aujourd’hui.

En effet, si l’article 113-1 dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée, l’article 131-3 prévoit que la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée.

Même si la pratique tend aujourd’hui à appliquer moins rigoureusement cet article et que des dispositions particulières à certaine matière en atténuent les effets, il n’a pas fini d’alimenter de nombreux litiges.

 

Mémoramdom

Des dessins et des modèles (art. L 111-1 et suivant du CPI)

Tout créateur d’un dessin et modèle et ses ayants causes ont le droit exclusif d’exploiter, vendre ou faire vendre un dessin ou modèle aux conditions prévues par la Loi.

La propriété d’un dessin ou modèle appartient à celui qui l’a créée ou ses ayants droits ; mais le premier déposant dudit dessin ou modèle est présumé, jusqu'à preuve contraire, en être le créateur.

Pour bénéficier de la protection le dessin ou la forme plastique doit être nouvelle, l’objet industriel doit se différencier de ses similaires par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle. Mais attention, il ne peut y avoir cumul avec la protection au titre du brevet qui prime sur celle du dessin et modèle.

 

Des droits d’auteurs (art. L 111-1 et s. du CPI)

L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous.

L’œuvre est réputée créée indépendamment de toute divulgation publique même inachevée, de la conception de l’auteur.

Il s’agit d’une œuvre de l’esprit (...) qui doit être originale.

Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.

 

Affaire de chiffons...!

Le droit de la Propriété Industrielle permet aussi la protection des dessins et modèles originaux et ce même cumulativement avec la protection relative au droit d’auteur.

C’est sur le fondement de la Loi de 1909 (protection des dessins et modèles) que le Tribunal de Commerce de Paris a condamné Monsieur X qui a commercialisé des tee-shirt portant la mention "A part ce tee-shirt je n’ai rien à me mettre " contrefaisant les tee-shirt commercialisés par Madame Inès de la Fressange portant la mention "A part ce tee-shirt j’ai rien nam’mettre ".

En effet, le tribunal a considéré qu’il y avait bien originalité et nouveauté dans ladite phrase ce qui sont des caractéristiques nécessaires à la protection.

Le tribunal conclu après avoir analysé le message que ladite mention "porte l’empreinte d’un créateur qui, avec humour, a révélé l’état d ‘esprit féminin ".

Monsieur X a copié les tee-shirt originaux même s’il a repris une locution populaire et a donc été condamné pour contrefaçon. L’histoire ne dit pas s’il reste à Monsieur X quelque chose à s’mettre !

Même si ce jugement a toutes les chances de connaître un sort différent en appel, vous avez tout intérêt à déposer vos créations originales qui prendront ainsi date.

Tribunal de Commerce de Paris, 15ème chambre, 1er mars 1996

 

Le principe de la forclusion par tolérance

La nouvelle Loi a introduit en notre droit la forclusion par tolérance. En clair, devient irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant 5 ans, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi (art. L. 716-5 du CPI).

Jusqu’alors les tribunaux rejetaient la tolérance comme argument de défense soulevé par les contrefacteurs. Dorénavant, si les titulaires de marques ne sont pas vigilants, ils se verront interdits d’exercer leurs droits antérieurs vis-à-vis des marques postérieures s’ils ont laissé la situation perdurer pendant au moins 5 ans. La marque seconde deviendra incontestable ! La conséquence est qu’il y a risque d’avoir sur le marché deux marques identiques ou similaires identifiant des produits identiques ou similaires !

La seule atténuation à cette disposition est la fraude. Pour échapper aux effets de la forclusion, il faut prouver que le titulaire de la marque postérieure était de mauvaise foi lorsqu’il a déposé. Ceci ne présente aucune difficulté pour les propriétaires de marques notoires, il n’en va pas de même pour les autres.

Dès le 29 décembre prochain, soit 5 ans après l’entrée en vigueur de la Loi de 1991, de nombreux titulaires de marques se verront donc interdits d’action en contrefaçon à l’encontre de contrefacteurs "tolérés " sur le marché depuis 5 ans.

Alors titulaires de marques anciennes, il vous reste 3 mois seulement pour agir !

 

Brèves de Palais (Propriété Intellectuelle)

1) Un facteur d’orgue a restauré totalement un orgue d’époque qui a été qualifié par un expert de chef-d’œuvre. Il constitue une œuvre protégé au titre du droit de l’auteur (œuvres des arts appliqués).

La commune a effectué des travaux dans l’église à l’insu du facteur...et a été condamné pour préjudice moral parce que lesdits travaux ont gravement altéré l’acoustique et la sonorité de l’orgue.

 

2) De nombreux contentieux opposent des sociétés éditrices de guide. L’affaire concerne les éditeurs de deux guides informant le public des "formalités administratives ". La Cour a d ‘abord admis l’originalité protégeable du guide en indiquant : " si les renseignements administratifs compilés ne sont pas par eux-mêmes protégeables, la structure du guide (sélection et classement des questions), l’expression formelle des questions et des réponses, confèrent à l’œuvre un caractère original, même si des guides antérieurs ont traité des mêmes informations.

C’est la raison pour laquelle la Cour s'est attachée à examiner si le second guide a reproduit les caractéristiques pour en conclure par la négative (Cour d’Appel de Paris, 13 septembre 1995 Editions Marabout / Editions Prat Europa).

Toutefois la transposition de la directive communautaire sur la protection des bases de données apportera des compléments à ce type de solution ! (à suivre).

 

3) Une agence de publicité a fourni une plaquette à la société SEB et le photographe de la cafetière sollicite et obtient la reconnaissance d’un droit d’auteur distinct de l’œuvre collective appartenant à l’agence (car réalisé sous ses instructions précises) et ce d’autant qu’aucun acte de cession n’existait entre l’agence et le photographe de la cafetière. La Cour infirme cette décision au motif qu’il avait été donné des instructions au photographe pour que ladite photo s’intègre au texte (CA Paris, 7 juin 1995). La doctrine critique cette décision insuffisamment motivée car il n’est pas recherché en quoi "il aurait été impossible d’attribuer à l’auteur de la mise en page graphique et des dessins un droit distinct sur la plaquette, ni en quoi l’agence n’aurait pas la qualité de cessionnaire des droits de cet auteur ".

 

4) Un mode d’exploitation d’une œuvre différent de celui contractuellement prévu dans l’acte par lequel l’auteur autorise l’utilisation de sa création méconnaît les droits de l’auteur (Cour de Cassation, 21 novembre 1995).

 

5) A l’occasion de la reproduction par une agence publicitaire d’un personnage créé graphiquement, la Cour d’Appel de Paris en sa décision du 11 octobre 1995 reconnaît l’originalité protégeable d’un personnage créé graphiquement. A l’ère du Multimédia et des facilités techniques de la reproduction (via Internet par exemple), il était important de le mentionner !

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