Table des Matières de la Newsletter 4 |
Edito (Newsletter du 05/12/96)
Un banquier condamné pour réticence dolosive !
Notion sur le dirigeant de fait
La clause de réserve de propriété
Edito (Newsletter du 05/12/96)
Le traitement de lentreprise en difficulté est un domaine particulièrement important dans la vie des affaires car toutes les entreprises tôt ou tard y sont confrontées !
Le plus souvent indirectement bien entendu parce que vous apprenez que vos partenaires commerciaux connaissent des difficultés...... quelquefois irréversibles.
Dans le contexte économique actuel, les situations peuvent évoluer très vite dans un sens comme dans lautre et il convient de se prémunir autant que possible contre les maux de ce type sous peine de possible contagion.
Enfin, lidée selon laquelle, les dirigeants ou administrateurs ayant investi dans leur entreprise ne risquent pas de perte plus élevée que leurs apports se révèle en ces hypothèses tout à fait inexactes.
Malheureusement, sauf à avoir été particulièrement scrupuleux dans lapplication des règles gouvernant le droit des sociétés et des procédures collectives, lensemble de votre patrimoine peut être touché.
Bien que le législateur apporte à intervalles réguliers des retouches à ces règles, elles ne sont toujours pas satisfaisantes.
Bonne lecture !
Une SNC détenant 85% des actions au sein dune S.A. lui consent un prêt sans intérêts alors même que la SNC a spécialement contracté un emprunt du même montant indexé et avec intérêts.
Lors de la liquidation judiciaire de la S.A (filiale), la SNC a consenti un abandon de créance à cette dernière.
La Cour Administrative dAppel a jugé quil sagissait dun acte anormal de gestion (absence de contreparties) et que la perte produite par labandon de créance doit être réintégrée dans le résultat de lexercice au cours duquel labandon a été constaté en comptabilité, et non dans celui de lexercice au cours duquel le prêt avait été consenti, a fait une exacte appréciation de lannualité de limpôt (CE, 9ème et 8ème section, 6 mai 1996, req. N° 148572, RJF 6/96, n° 711).
Alors prenez gare aux abandons de créance...il y a souvent à redire !
Les dettes de la personne morale peuvent être supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains dentre eux.
Cest larticle 180 de la Loi de 1985 qui le prévoit dès lors quil y a redressement ou liquidation judiciaire dune personne morale faisant apparaître une insuffisance dactif en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance dactif.
Peut être alors vous demandez-vous légitimement ce que constitue une faute de gestion ?
La chambre commerciale de la Cour de Cassation vient dindiquer que constitue une " faute de gestion ", labsence de déclaration de cessation des paiements dans les 15 jours (dès lors que lactif disponible est insuffisant pour faire face au passif exigible) et peu importe les mesures de redressement et les accords envisagés ultérieurement avec les créanciers, hors le cadre de la Loi du 1er mars 1984 organisant le règlement amiable.
La Cour considère que la faute a contribué à linsuffisance dactif social et nexonère pas le dirigeant alors même quil a pris des mesures.
Autant dire que la responsabilité du dirigeant peut (presque) toujours être engagée !
En conséquence, il est recommandé de prendre des accords avec ses créanciers sous légide du règlement amiable pour tenter de résoudre les problèmes tant que cela est encore possible...cest la méthode la plus sûre !
(cass. com. 8 octobre 96 n° 1419)
Un banquier condamné pour réticence dolosive !
Une banque avait obtenu un engagement de caution en faveur dune société dont elle tenait les comptes.
Loin daccorder des crédits au débiteur, ce même établissement a refusé de tirer les chèques sur lun des comptes pour défaut de provision alors même que celui-ci présentait déjà un solde négatif au moment du cautionnement.
La Cour dAppel a annulé le cautionnement pour réticence dolosive car la banque savait au moment du cautionnement que la situation du débiteur était irrémédiablement compromise et quelle nen avait pas informé la caution (cass. civ. 1ère , 9 juillet 1996, n° 1410).
Les abus peuvent se retourner contre leurs auteurs.
Notion sur le dirigeant de fait
Est dirigeant de fait, la personne qui sest immiscée dans la gestion en établissant en pleine connaissance de cause des traites de complaisance afin de maintenir artificiellement lactivité de la société.
(cass. com. 8 octobre 1996, n° 1369)
Vous avez lhabitude de traiter avec une entreprise qui vient de connaître des difficultés mais son avenir nest à priori pas compromis.
Le Tribunal de Commerce a ouvert une période dobservation, un administrateur a été nommé et il envisage soit un plan de continuation, soit un plan de cession.
Par hypothèse, lactivité se poursuit et la société continue à remplir votre carnet de commande et vous allez la livrer non sans une certaine appréhension.
Il vous semble que vous avez toutes les chances dêtre payé puisque les créances postérieures au redressement judiciaire seront à priori réglées même si les créances antérieures au jugement douverture ont nettement moins de chance de lêtre.
Et vous avez à priori raison !
Mais, dans ces conditions, vous avez intérêt de prendre des précautions et de requérir le visa de ladministrateur car ce dernier doit, avant de passer commande et apposer son visa, sassurer que vous pourrez être payé par rapport à la trésorerie dont il dispose...et à défaut vous pourrez engager sa responsabilité.
La Cour dAppel de Paris vient de rappeler ce principe en énonçant (interprétation à contrario).
" Ce nest que lorsquil appose son visa sur les bons de commande que ladministrateur doit sassurer que le fournisseur pourra être payé.
Doit être écartée toute responsabilité de ladministrateur dont le visa na pas été requis par le fournisseur lequel, informé des impayés, a provoqué larrêt de lactivité et le prononcé de la liquidation judiciaire. "
(CA Paris, 1ere chambre B, 10 mai 1996, JCP éd. E 1996 pan.691).
La clause de réserve de propriété
La clause de réserve de propriété est un moyen efficace permettant de se faire remettre vos biens livrés à la condition quils se retrouvent en nature au moment du jugement douverture dès lors quils nont pas été entièrement réglés par le débiteur en redressement judiciaire.
Vous relèverez que le terme utilisé est " biens " depuis lintervention de la Loi du 10 Juin 1994 - et non plus " marchandises " - ce qui inclut les biens incorporels tel un brevet comme vient de le confirmer une décision de la Cour de Cassation du 22 oct. 96.
Cette clause (pouvant figurer dans un écrit régissant un ensemble d'opérations convenues entre les parties) doit avoir été convenue entre les parties au plus tard au moment de la livraison.
Enfin la Loi du 1er Juillet 1996 précise en la matière que " nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à lacheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties naient convenu par écrit de lécarter ou de la modifier ".
En pratique cela évite quun débiteur fasse valoir ses conditions générales dachat par lesquelles il excluait toute clause de réserve de propriété comme la jurisprudence ladmettait jusquici.
La revendication peut aussi sexercer sur des biens fongibles et sur des biens mobiliers incorporés dès lors que leur récupération peut être effectuée sans dommage.
La revendication doit être exercée dans le délai de 3 mois à compter du jugement douverture.
Alors, aujourdhui plus quhier penser à prévoir une telle clause dans toutes vos conventions.
Une Cour dAppel a légalement justifié sa décision douvrir une procédure personnelle de redressement judiciaire contre des dirigeants précédemment condamnés par un arrêt correctionnel, ayant acquis lautorité de la force jugée, pour avoir, lun comme dirigeant de droit et lautre comme dirigeant de fait, fait des biens et du crédit de la société à des fins personnelles, un usage quils savaient contraire aux intérêts de celle-ci (cass. Com. 25 juin 1996, n° 1197).
Il ne faut jamais confondre intérêts de la société avec intérêts de ses dirigeants !
Autre espèce
La Cour de Cassation vient de dire quaucun texte, ni aucun principe ne prohibe lusage du crayon dans la rédaction dun acte sous seing privé. En effet une cour dappel avait rejeté la demande dune banque au motif que dans lacte de cautionnement le nom de la société est porté au crayon et que ce procédé est irrégulier et rend nul lengagement de caution.
Cet arrêt a été cassé car viole les articles 1134 et 2011 du code civil.
Alors peu importe, votre plume fera loi !
1) Vous navez pas été payé, votre cocontractant a été mis en redressement judiciaire, il ne vous reste plus quà déclarer votre créance auprès du représentant des créanciers car les poursuites concernant des sommes dargent sont suspendues.
Jusqu'à une date récente, seul le chef dentreprise, ou son avocat, pouvait valablement déclarer une créance respectant les formes auprès du représentant des créanciers.
Nombre de déclarations avaient été déclaré nulle sur ce motif. Depuis une période récente, le " délégataire de pouvoir " peut lui aussi y procéder.
Mais attention, le juge commissaire doit sassurer de lexistence dune délégation de pouvoir régulière du mandataire déclarant une créance pour le compte d'un créancier.
Cette délégation de créance doit préexister à la déclaration de créance elle-même et ne peut découler des fonctions exercées par le déclarant au sein du service de recouvrement de lentreprise créancière (cass. Com. 28 mai 1996, n° 1006 et 1007, Dalloz affaires 1996, n°26, chronique page 212).
2) Vous savez que vous disposez de deux mois pour déclarer votre créance à compter de la publication au BODACC du jugement de redressement ou liquidation judiciaire.
Si vous pouvez établir que la défaillance nest pas de votre fait, vous pouvez tenter une action en relevé de forclusion dans la limite dun an à compter de la décision douverture de Redressement Judiciaire.
La Cour de Cassation vient de rappeler que la tardiveté de laction en relevé de forclusion engagée plus dun an après louverture de la procédure est une fin de non-recevoir dordre public qui simpose au juge (Cass. Com. 28 mai 1996, n° 1003, D. 1996, IR p.161).
Alors jamais il ne faut tarder !
3) Une Cour dAppel ordonne lexpulsion de deux époux des locaux quils occupent en retenant que le jugement dadjudication navait pas à leur être notifié, dès lors que le conjoint avait été dessaisi de son immeuble par le jugement prononçant sa liquidation judiciaire et quils étaient devenus occupants sans droit ni titre.
La Cour de Cassation casse la décision et précise que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés quaprès leur avoir été notifiés (cass. 2ème civ. 5 juin 1996, n° 496, D. 1996, IR p. 175).