bullet Table des matières de la Newsletter 2 : Droit des sociétés

Edito (Newsletter du 23/06/96)

Des conventions particulières (conventions réglementées)

Déclarez la paternité des actes pris pour le compte d’une société en formation

De l'abus de biens sociaux

Peut-on insérer une clause de non-concurrence dans des statuts ?

Avez-vous pensé à procéder à l’approbation des comptes ?

 

 

Edito (Newsletter du 23/06/96)

Dans le précédent numéro, j'évoquais les constantes évolutions que connaît le droit social.

Comme promis, ce numéro est entièrement consacré au droit des sociétés qui lui aussi n’est pas inerte.

Pour preuve, un thème faisant souvent la une dans la presse économique mais faisant aussi l’objet de grands débats dans le monde juridique dont la problématique peut se résumer ainsi "L’intérêt social " de la personne morale est-il distinct de celui de ses actionnaires ?

Jusqu'à présent, la réponse était plutôt oui, mais pour demain rien n’est joué.

Alors que règne dans l’hexagone une structure capitalistique industrielle "verrouillée ", les actionnaires s’organisent pour faire en sorte que leurs intérêts soit pris en compte. Ils se constituent en associations et agissent en justice pour faire valoir certains droits qui leur sont théoriquement acquis, et tentent aussi d’innover en s’inspirant du modèle anglo-saxon qui est plus avancé en la matière ("class action").

Les idées de fond peuvent se regrouper sous deux grands thèmes à savoir tenter d’imposer une "Corporate Governance " (encadrement du pouvoir décisionnel et renforcement du mode de contrôle dudit pouvoir par des procédures pas toujours facile à valider par rapport au système juridique en vigueur) et faire admettre un rapprochement entre l’intérêt social de la personne morale et celui de ses actionnaires, ce qui ne va pas de soi aujourd’hui.

Nul doute que ces colonnes et celles à venir traduiront ces luttes de pouvoir !

Je vous souhaite une bonne lecture !

 

Des conventions particulières

(Convention article 101 de la Loi de 1966)

Vous n’êtes certainement pas sans savoir que les conventions intervenant entre une société et l’un de ses administrateurs, ou entre deux sociétés ayant des dirigeants communs doivent être soumises à l’autorisation préalable du Conseil d’Administration.

Vous ne vous doutiez peut-être pas que la résiliation d’un commun accord, aussi bien que la conclusion et la modification des conventions sont soumises au même régime.

C’est en tous cas ce que vient de dire la Cour de Cassation en sa décision du 27 février 1996.

Rappelons que les conventions intervenues entre un gérant ou associés et une SARL font l’objet d’une approbation à posteriori par l’assemblée des associés sachant que le gérant intéressé ne prend pas part au vote.

Un homme averti ...

 

 

Déclarez la paternité des actes pris pour le compte d’une société en formation

Dans la plupart des cas, les associés ou actionnaires décident de créer une société et passent un certain nombre d'actes alors même que cette dernière n’existe pas encore juridiquement.

L'acte de naissance de la personne morale est constitué par son immatriculation au registre du commerce qui prend entre 7 jours et un mois selon les greffes et l’urgence à compter du dépôt du dossier complet.

Toutefois, cela n’interdit pas les associés dûment mandatés de prendre des actes "au nom et pour le compte de la société en formation " dont il faudra au surplus faire en sorte de permettre son identification.

Par ailleurs, une fois la société régulièrement immatriculée, il ne faut pas oublier de régulariser lesdits actes soit en les annexant aux statuts, soit en les entérinant par décision collective.

Enfin, toujours pour les actes passés pendant la période de gestation, il convient de faire apparaître sur les actes la fameuse formule "Monsieur X, agissant au nom et pour le compte de la société en formation Y ... " sous peine de se voir déclarer personnellement responsable de ses conséquences juridiques.

La Cour de Cassation a encore rappelé dans sa décision du 13 mars 1996 que la société n’a pas la capacité juridique avant son immatriculation, ce qui avait en l’espèce permis au vendeur d’un immeuble de solliciter l’annulation de la vente car mandat ne peut pas être donné à un associé en sa qualité de gérant puisque par définition la société n’existe pas encore.

Ce dernier aurait pu valablement intervenir si l’acte avait été passé comme indiqué plus haut...alors gare au formalisme !

Comme vous l’aurez constaté, le non-respect du formalisme peut avoir des conséquences redoutables.

Mieux vaut éviter les écueils !

 

De l'abus de biens sociaux

La presse s’est fait l’écho de la volonté de certains politiques d’apporter certaine correction à ce délit et notamment sur la question de son imprescriptibilité de fait.

Tout d’abord que dit la Loi :

" Sont passibles de sanctions pénales les dirigeants qui, de mauvaise foi, auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement " (article 425-4 et 437-3 de la Loi de 1966 sur les Sociétés Commerciales).

Une décision récente de la chambre criminelle de la Cour de Cassation a condamné un gérant de fait d’une société exploitant un hôtel qui se rémunérait sur une "caisse noire " qui servait à rémunérer des employés non déclarés dont, en quelque sorte, lui.

Une Cour d’Appel considérait que faute de justification de son emploi, le surplus prélevé par ce dirigeant avait été utilisé par ce dernier à des fins personnelles.

La Cour de Cassation a confirmé au motif que "s'il n’est pas justifié qu’ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux prélevés de manière occulte par un dirigeant l’ont nécessairement été dans un intérêt personnel " (cass crim 11 janvier 1996).

Il en est de même pour un véhicule appartenant à une société utilisée à des fins personnelles (sauf s’il s’agit de rémunération en nature) ou pour un employé de maison payé par la société du dirigeant (cas courant d’abus de biens sociaux).

Mais comment ce délit souffre - t - il d’imprescriptibilité ?

Le problème est que la prescription court à compter de la découverte du délit... ce qui permet au juge répressif de se fonder sur des faits de plus de 3 ans dès lors qu’ils ont été découvert il y a moins de 3 ans.... et comme il ne viendrait à l’idée d’aucun chef d’entreprise de publier ses comportements délictueux... !

En tout état de cause, il est choquant sur le plan des principes qu’un crime soit prescriptible par dix ans alors que tel n’est pas le cas en pratique de l’abus de biens sociaux.

En parallèle, depuis une décision de la chambre criminelle même un actionnaire d’une société mère peut se constituer partie civile à l’encontre de dirigeants de filiales indélicates alors même qu’il est un tiers de la société en cause.

Jusqu’ici, seul les actionnaires et la société peuvent se constituer partie civile à l’exclusion des créanciers et des tiers.

 

Le Comblement de passif

L’article 180 de la Loi de 1985 sur le redressement judiciaire prévoit que les dirigeants d’une société en redressement ou liquidation judiciaire ne peuvent être tenus de combler le passif social que s’ils ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif.

Il est vrai que la Loi de 1985 renverse la charge de la preuve par rapport à l’ancienne Loi sur le sujet.

Toutefois, il faut savoir que le simple fait de ne pas déposer le bilan dans les 15 jours (à compter du moment ou l’actif disponible est inférieur au passif exigible) est aux yeux de la jurisprudence constitutif de faute de gestion.

C’est pourquoi en pratique la Loi de 1985 se révèle tout aussi sévère que la précédente sur le sujet.

En tous cas, il est toujours recommandé d’agir vite pour permettre un redressement encore possible plutôt que de gagner du temps...car cela peut finalement coûter très cher !

 

La préparation du lendemain...

Une société s’était engagée à racheter les actions de son dirigeant dans les 6 mois de son départ de celle-ci et quel qu’en soit le motif et ce pour un prix déterminé à l’avance mettant à l’abri ce dernier de toute dépréciation.

Il convient de rappeler que "sont réputées non écrites les clauses attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes " (Art. 1841 du Code Civil).

Une Cour d’Appel avait considéré que cette promesse d’achat d’actions, pour un prix ne tenant pas compte de la valorisation des titres de la société constituait une clause léonine en arguant qu’une telle clause avait pour effet de dispenser le dirigeant de toutes pertes sociales.

La Cour de Cassation n’est absolument pas du même avis et considère que la réalisation de la promesse était lié à la condition suspensive de son départ et que l’objet de la promesse n’était autre que de permette le rachat de ses actions à un prix librement débattu ce qui n’a aucun rapport avec la volonté de participer aux pertes et aux gains de la société.

Peut être n’en aurait il pas été de même si le prix des titres avaient été fixé de manière abusivement élevé de telle sorte que cela aurait représenté une lourde charge pour la société et aurait ainsi indirectement porté atteinte au principe de libre révocation du dirigeant (qui est d’ordre public).

Mais il s’agit là d’un autre fondement juridique.

Les "golden parachutes " peuvent être inefficaces s’ils ne sont pas savamment dosés.

Mais c’est une toute autre histoire !

 

Peut-on insérer une clause de non-concurrence dans des statuts ?

Vous allez créer une société avec un ami ou une connaissance mais vous craigniez que votre associé devienne un jour votre concurrent direct.

A la lecture d’une décision récente, il semble possible de prévoir le paiement d’une indemnité dissuasive pour le cas ou un associé passerait à l’ennemi.

En effet, la Cour de Cassation vient de reconnaître indirectement la possibilité d’insérer une clause de respect de clientèle dans les statuts d’une société.

Dans le cas de l’espèce, une délibération postérieure à laquelle s’était opposée l’associé ayant porté l’affaire devant la cour suprême prévoyait une clause de respect de clientèle.

L’associé a quitté la société (d’expertise comptable) et a fourni des prestations à la clientèle de cette dernière.

Une sentence arbitrale confirmée par une Cour d’Appel a condamné cet associé à payer l’indemnité prévue au motif qu’une clause régulièrement intégrée dans les statuts prévoyait que "l'ancien actionnaire s’interdit formellement de travailler, d’intervenir, d’entrer en relation ou d’entrer au service d’un client de la société ... "

La Cour de Cassation a cassé la décision de la Cour d’Appel au motif que la clause litigieuse avait été introduite par une délibération à laquelle s’était opposée l’ancien actionnaire.

Or une telle décision ne peut intervenir qu’à l’unanimité des associés car elle a pour effet d’augmenter l’engagement des actionnaires par l’atteinte qu’elle porte à la liberté du travail et du commerce.

Il résulte de ladite décision qu’une telle clause n’est pas illicite par principe (sous réserve des limites prévues en cette matière) mais doit être adoptée dans les statuts lors de sa création ou être intégrée par une délibération postérieure prise à l’unanimité.

Alors l’amour ou l’argent, il faut choisir !

(cour de cassation, chambre commerciale, 28 mars 1996, pourvoi V 93-21.250, arrêt n° 677 p)

 

Avez-vous pensé à procéder à l’approbation des comptes ?

Il ne vous reste que quelques jours pour tenir l’Assemblé Générale.

Vous avez encore un mois pour procéder aux formalités diverses.

Un conseil : ne négligez pas de tenir scrupuleusement ce que l’on appelle le "secrétariat juridique" de votre société car au cours de la vie sociale de celle-ci, bien des événements peuvent engendrer des frustrations légitimes ou non de la part d’associés qui conduisent alors toujours à des expertises de gestion...et là si les registres ne sont pas tenues toute votre gestion peut être contestée !

Alors, mieux vaut prendre le temps.

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