bullet TABLE DES MATIERES (Newsletter 5 du 25/02/97)

 

Edito

Conditions d'achat discriminatoires

Les mentions obligatoires sur les factures au regard de la Loi du 1er juillet 1996

Le refus de vente existe-t-il toujours ?

La revente à perte !

Brèves : droit de la distribution...

droitdist 

Edito (Newsletter du 25/02/97)

Nous vivons dans une économie prétendument de type libéral.

Il en résulte que, chacun d’entre nous doit être libre d’entreprendre et de conclure des conventions à des conditions librement négociées.

Toutefois, et particulièrement dans notre pays, il existe toujours des règles impératives d’ordre public s’imposant aux parties et auxquelles on ne peut déroger, ce qui restreint d’autant la liberté contractuelle.

Mais il arrive, et ce même dans les pays les plus libéraux, que des règles strictes aient pour objet de préserver un régime économique libéral.

Il s’agit du droit de la concurrence puisqu’il a pour but de rééquilibrer les relations entre les agents économiques sur un marché.

L’objet est de permettre même aux petites entreprises de se développer et de se maintenir face aux grandes qui ne rêvent que de situation de monopole ou d’oligopole.

En réalité, c’est le fondement même d’une société libérale que de permettre la présence de nombreux acteurs sur un même marché et ce dans l’intérêt même du consommateur puisque la concurrence lui permet d’obtenir le meilleur produit au meilleur prix.

C’est précisément de cette matière que je vous entretiendrai dans ce numéro car elle fait, elle aussi, l’objet de nombreuses refontes, tant au plan national que de l’Union.

Alors surtout n’hésitez pas à en tirer profit si besoin est !

 

Bonne Lecture

 

Conditions d’achat discriminatoires

Tout commerçant qui obtient d’un partenaire économique des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage dans la concurrence engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice causé.

C’est ce que vient de rappeler la première chambre du Tribunal de Commerce de Paris en sa décision du 25 novembre 96 (ministre de l’Economie / SA Inter Marchandises France).

Il s’agissait d’un groupement de distributeurs qui diffusait les catalogues des produits des fournisseurs en grand nombre, obtenant à ce titre des conditions dérogatoires aux conditions générales de vente desdits fournisseurs.

Il se trouve que la diffusion a terriblement baissé mais que les conditions dérogatoires avantageuses ont été maintenues.

Le tribunal a condamné le groupement puisqu’il a bénéficié de ristournes exceptionnelles alors que celles ci n’étaient plus justifiées par des contreparties réelles.

Ces ristournes constituaient un avantage dans la concurrence pour le groupement et, à l’inverse, un désavantage pour les fournisseurs qui devaient diminuer leur marge d’autant.

Sanction : les accords de coopération commerciale ont été annulés et il a été ordonné la restitution des sommes indûment versées soit 55 millions de francs.

En cas de pratiques discriminatoires, l’action en responsabilité peut être introduite par toute personne justifiant d’un intérêt, mais aussi par le parquet, le ministre de l’Economie ou le président du Conseil de la Concurrence.

 

Les mentions obligatoires sur les factures au regard de la Loi du 1er juillet 1996

La Loi de 1986 exigeait qu’il soit mentionné sur vos factures les noms et adresses des parties, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes des produits ou services rendus, de tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit la date de règlement.

Même s’il semblait à première vue qu’il n’était pas nécessaire d’indiquer les réductions de prix subordonnées à une condition non réalisée lors de l’émission de la facture puisque par définition lesdits rabais n’étaient pas acquis, l’administration considérait que des avantages conditionnels devaient être considérés comme acquis dès lors que la réalisation de la condition dépendait exclusivement de la volonté du distributeur.

Il est évident que cette interprétation conduisait à abaisser d’autant le seuil de revente à perte (interdit comme vous le savez).

La nouvelle Loi ne parle plus de principe acquis, ce qui n’impose plus que la mention des réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de service, et les termes rabais, remises ou ristournes sont remplacés par l’expression " réduction de prix ".

Enfin ces réductions de prix ne doivent être mentionnées que si elles sont directement liées à la vente ou à la prestation en cause. Dès lors les accords de coopération commerciale devront être facturés distinctement.

L’objectif est de simplifier et de rendre plus compréhensibles ces règles qui étaient sources de nombre de contentieux.

 

Le refus de vente existe-t-il toujours ?

La nouvelle Loi de 1996 a supprimé purement et simplement l’interdiction du refus de vente.

L’objectif est de rééquilibrer les rapports de force entre distributeurs (étant précisé que le dé référencement fait aussi l’objet de nouvelles mesures) et fournisseurs qui peuvent aujourd’hui refuser de vendre.

Pourtant la prohibition du refus de vente existe encore dès lors qu’il y a entente, abus de position dominante ou discrimination abusive puisqu'en ces cas un refus de fournir est passible de sanctions.

On retrouve cette notion dans l’obligation de donner accès aux " facilités essentielles ", mais il s’agit d’un autre sujet.

 

La revente à perte !

La revente à perte constitue une distorsion importante et inacceptable (sauf exceptions : alignement, cessation d’activité, produits obsolètes...) de la concurrence dans la mesure où elle peut permettre à une entreprise en position dominante d’éliminer, une fois pour toutes, ses concurrents pour ensuite imposer ses prix et conditions.

En effet, dans une telle hypothèse, une entreprise pourra par exemple revendre à perte pendant 6 mois certains de ses produits et ainsi mettre en difficulté, voire éliminer, un de ses concurrents plus jeunes ou plus fragiles mais dont le produit est peut être plus performant que le sien.

Il peut encore s’agir de prix d’appel pouvant laisser penser aux clients que tous les produits sont moins chers alors qu’en réalité le fabricant ou le distributeur se rattrape sur d’autres produits.

Enfin les distributeurs pratiquant ainsi, peuvent être de grandes centrales d’achat exerçant des pressions toujours plus importantes (surtout s’ils sont en concurrence avec des distributeurs offrant déjà le produit en revente à perte) sur les marges des fournisseurs, ce qui peut mettre en cause leur pérennité à moyen terme.

Il est bien évident que cela nuit aussi aux petits distributeurs, dès lors que eux ne pourront pas imposer leurs conditions !

Ce sont ces raisons qui ont conduit le législateur à modifier l’article 32 de l’ordonnance de 1986 en renforçant les sanctions, les amendes pouvant aujourd’hui atteindre 500 000 francs, accompagnées de la condamnation au double des dépenses engagées en communication sur le produit incriminé, ainsi que la mise en cause de la responsabilité pénale de l ’entreprise.

Vous comprendrez donc tout l’intérêt des seuils et des modes de calcul permettant de déterminer s’il y a revente à perte !

J’ajoute à cette occasion que la nouvelle Loi incrimine spécialement les prix abusivement bas.

En effet, " sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport au prix de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits. Les coûts de commercialisation comportent également et impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires liés à la sécurité des produits. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l’état, à l’exception des enregistrements sonores reproduits sur support matériel ".

Il s’agit d’introduire en droit français la notion de prix prédateur, même s’il n’est pas nécessaire qu’il y ait participation à une entente (où se trouver en situation de position dominante).

Vous avez compris que le droit de la concurrence peut permettre à un partenaire économique de veiller à ce que les règles du jeu soient respectées.

 

Brèves : droit de la distribution...

Certaines atteintes à la concurrence sont autorisées dans la mesure où elles contribuent au progrès économique et sont de l’intérêt du consommateur.

C’est ainsi que les conventions de distribution sélective, de concessions, ou les contrats de franchise peuvent être jugés licites dès lors qu’ils respectent certaines règles.

A titre d’exemple, la décision de la Cour d’Appel de Paris en date du 15 septembre 1995 (Parfumerie Ozone / Kenzo et Tamaris) stipule que " les réseaux de distribution sélective sont licites si les critères de choix des distributeurs sont objectifs, dépourvus de toute discrimination et justifiés par les impératifs d’une distribution adéquate des produits ".

Pour Kenzo, il apparaissait pertinent d’organiser un réseau de distribution sélective puisque la marque concerne à la fois la haute couture et la parfumerie.

L’arrêt précise " même si la marque ne bénéficie pas encore du taux de pénétration des marques concurrentes plus anciennes elle bénéficie d’une notoriété suffisante pour qu’il soit admis que les marchandises vendues sous cette marque soient qualifiées de produits de luxe et qu’en conséquence il soit reconnu au distributeur le droit de constituer un réseau de distribution sélective structuré et d’exercer un contrôle de qualité des candidats à l’entrée de ce réseau ".

Pour aboutir à ces conclusions, la Cour a relevé que la convention de distribution sélective ne contenait pas de dispositions discriminatoires susceptibles de permettre à Kenzo de choisir arbitrairement ses distributeurs et fausser le jeu de la concurrence, les critères étant objectifs (qualification du personnel, localisation et installation du point de vente, services de conseil et démonstrations proposées).

Enfin, la procédure classique de liste d’attente départementale et chronologique a été admise.

En revanche, en matière de franchise, s’il est possible pour un franchiseur d’exiger, pour assurer l’unité de son réseau les éléments d’identification de la marque à travers le cahier des charges, le Conseil de la Concurrence dit que rien ne justifie le fait que le décorateur du franchiseur soit seul à pouvoir effectuer ce type de prestation.

En effet, une telle clause a pour objet et a pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en limitant l’accès au marché d’agencement et de fournitures de tels locaux (Gymnasium) " n’étant ni nécessaires au contrat de franchise, ni indispensable au maintien de l’identité du réseau déjà protégé par l’aménagement du local et des aménagements du franchiseur, son absence ne mettant pas en péril l’unité du réseau et le savoir-faire du franchiseur ".

J’attire toutefois votre attention sur le fait que ce type de jurisprudence évolue régulièrement ! l’appréciation soit plutôt théorique ou plutôt pragmatique sachant qu’au surplus il y a inflation de textes en la matière tant au niveau de l’union qu’au niveau National.

En conséquence, il faut toujours être extrêmement prudent afin d’éviter de voir ses conventions déclarées nulles !

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